mercredi 25 novembre 2009

Cours, explications des fragments 397,347,348, Pascal

Explication académique du texte de PASCAL, Pensées, fragments 397, 347 et 348.

Pascal peut être considéré comme un penseur tragique. Il est celui qui pense que la marque de la vérité est dans la répugnance et la contradiction et donc, que dans la quête de la vérité, il faudra non seulement accueillir des affirmations opposées et les maintenir ensemble, mais les tenir pour vraies, ce qui nous oblige à exiger un ordre plus haut qui les fonde, à savoir l'ordre divin. La raison a donc son commencement non pas dans une lumière d'évidence où elle se saisirait –contre Descartes- mais dans une obscurité qui n'est pas elle-même manifeste. Voilà bien les contradictions où nous sommes, le malheur de notre pensée.
De cette dimension tragique de l'existence, de la contradiction et du malheur humain, il est question dans les pensées qui nous occupent. Tout le texte est bien construit sur cette dimension de la contradiction mettant clairement en évidence la duplicité, la dualité de l'existence humaine.
Cherchant à établir ce qui fait la spécificité humaine, Pascal en vient à considérer l'homme comme un être intermédiaire compris entre la misère et la grandeur ; il est sous le signe de la faiblesse mais il peut, du moins doit-il s'y efforcer, échapper à celle-ci, tenter de la dépasser. Comment ? Ne serait-ce pas en faisant usage de ce qui lui est propre, à savoir la pensée ? Pris entre le sensible et l'intelligible, ne doit-il pas, moralement, rejoindre son origine divine ?
C'est bien cette thématique que Pascal étire, déploie au long de ces pensées, proposant des énoncés fondés sur une structure d'opposition et de retournement, opposition de l'humain et naturel d'abord avec la distinction établie entre l'homme et l'arbre, distinction entre le corporel et le spirituel ensuite, opposition, enfin, entre l'humain en ce qu'il relève de la nature et de l'humain en ce qu'il dépasse cet ordre.
Ce dépassement doit nous conduire à une exigence proprement morale.

Le texte débute donc par l'opposition entre un étant naturel, l'homme et un autre étant, l'arbre. L'un et l'autre, en tant que naturels, en temps qu'ils font partie de la nature ne sont que deux points ridiculement petits eu égard à l'immensité de l'univers. Mais, et là surgit le proprement humain, l'un a une conscience, est un être susceptible de connaître, l'autre n'en a point les capacités. Par-là même, par sa capacité de penser, l'homme dépasse sa condition naturelle.
Pascal va plus loin. L'homme est un être de conscience, il peut se représenter ce qui l'entoure et lui-même. Mais ce qui paraissait être un avantage, une supériorité, peut se révéler redoutable. Au même titre que les autres étants, nous sommes misérables mais en prenant conscience nous sombrons dans une espèce de désespoir : nous éprouvons notre misère en étant conscients. La misère est en quelque sorte redoublée : il y a la situation même, commune à tous les étants, voués à disparaître, matière corruptible, vulnérable face aux déferlements des forces naturelles ou face aux prédateurs, devant lutter pour la survie, la misère de l'homme social, plein de vices, de passions, cherchant à se dissimuler ses faiblesses, sa petitesse, s'oubliant dans le divertissement1 et la duplication de cette misère par la conscience qu'on en a. La conscience est une conscience malheureuse, tragique: « C'est donc être misérable que de se connaître misérable. »
Mais, par un sursaut, cette conscience malheureuse peut être dépassée : du misérable de la misère, par la pensée, nous pouvons accéder à la grandeur de la misère, la reprendre et la transformer en son autre : « c'est être grand que de se connaître misérable »
Nous pourrions rendre compte de ce mouvement de la pensée, mouvement proprement dialectique, en nous référant à Hegel. En effet, celui-ci, traitant de l'histoire de la conscience, part de la situation première de l'homme : il est, comme tout étant, celui qui vit à la manière des choses, des animaux, etc., dans l'immédiateté, il a une existence en-soi. De cette situation, il doit s 'extirper. La pensée doit sortir le soi de soi, elle doit l'arracher à son simple être-en-soi : elle est elle-même un tel arrachement, elle est la parole dans laquelle le penser se sort de lui-même et s'expose.
Il faut briser l'épaisseur compacte de la simple subsistance, que ce soit celle de la pierre, de l'arbre, celle du moi, celle du tout. La subsistance qui se présente comme un premier principe, ou comme un point de départ, n'est en fait qu'un dépôt de la manifestation en son mouvement : un dépôt dans l'être, et un repos dans la pensée. Dissoudre ce dépôt et réveiller ce repos sont la tâche de la pensée, parce que c'est ainsi qu'elle pénètre le mouvement. Il y a là une brisure qui se dessine dans cette résolution qui apporte l'inquiétude. La séparation qu'est en soi la manifestation de soi comme conscience, la démarche vers la conscience de soi –soit ce que Hegel appelle le pour-soi- est chaque fois épreuve singulière. Comme telle, elle est douleur. La douleur –ou le malheur- n'est pas l'universelle séparation, elle n'est pas la douleur d'un grand drame cosmique où tous les êtres seraient emportés et dans lequel, en fin de compte, un sujet universel jouirait du malheur universel. La douleur est précisément l'élément de la singularité de la séparation : car c'est à la singularité et comme singularité que celle-ci advient. Elle advient comme l'altération de sa subsistance, et ainsi comme son soi réveillé dans son altérité : déchirure. Eprouver la douleur est donc s'éprouver singulier : « Plus une nature est élevée, plus elle ressent le malheur 2 » nous dit Hegel dans une formule qui n'est pas sans rappeler celle qui nous occupe. Dans le malheur, je suis sujet, sentiment de moi. A même le malheur, à même mon malheur, je me reconnais séparé et fini, fermé, réduit ou réductible au point même de ma douleur.3 Se savoir tel, ce n'est pas un savoir abstrait, c'est être, concrètement, devant l'insuffisance et l'incomplétude de soi, et par ce manque lui-même être dans le rapport à l'autre, à tout l'autre et à tous les autres dont je manque : c'est déjà être dans le mouvement, c'est devenir. C'est devenir infiniment, jusqu'à la mort aussi bien que jusqu'à la joie. « Un être capable d'avoir en lui la contradiction de soi-même et de la supporter, c'est le sujet –et c'est là ce qui fait son infinité4 » Il s'agit donc de devenir et non pas de rester à un état de passivité, paralysé. Il s'agit de faire advenir le sens, de tenter de conjoindre deux sens opposés, de conserver la chose en l'élevant. Là, on atteint la grandeur. On quitte le désespoir, on le surmonte. « Pensée fait la grandeur de l'homme »

Dans le concept d'homme, qu'est-ce qui est décisif ? Est-ce sa dimension corporelle, sa constitution physique ? En tant qu'être vivant, naturel, il est un être organisé, il a des organes remplissant des fonctions vitales. Mais à ce niveau rien ne le distingue des autres. Rien de spécifique ici. Non, et il l'apprend en devenant humain, en quittant la sphère de l'immédiateté sensible et naturelle, en s'arrachant à son état premier, ce qui est décisif, c'est sa faculté de penser. Sans elle, il n'est rien, il ne peut même pas subsister. La pensée fait donc « la grandeur de l'homme », sa dignité. C'est celle-ci qui le sépare de tout autre étant ; il a une dignité qu'il est seul à partager. L'homme ne peut se concevoir, se réduire à sa dimension matérielle, sensible. Le réduire à cela, c'est lui ôter son essence, c'est le réduire à une existence en-soi, à l'état de pierre ou de brute. La brute, c'est l'animal féroce, instinctif ne répondant à aucune conscience, à aucune exigence morale.
Mais, nous dira-t-on, l'homme, c'est cela aussi : un être naturel devant assouvir des besoins !
Certes, mais de quelle manière ? En anticipant sur ce qui suit, répondons à cette objection.
Il est bien un être vivant devant survivre, assurer sa subsistance. Mais, comme nous le dit Pascal, il est faible. , il est biologiquement faible –ce sur quoi les biologistes contemporains s'accordent-. En d'autres termes, c'est une espèce qui n'a pas les moyens naturels suffisants pour assurer sa survie : il n'a pas la vélocité, la robustesse suffisantes pour échapper à ses prédateurs ; il a une constitution faible qui fait qu'il est voué à dépérir, à disparaître. Pourtant l'espèce humaine a subsisté : comment ? En faisant usage de sa tête ! En d'autres termes de son intelligence. Celle-ci s'origine bien dans des aptitudes naturelles mais, dès lors qu'il en fait usage, en transformant le milieu, en fabriquant des armes et des outils, il met en branle un mécanisme de complexification du cerveau qui doit cette complexité aux exigences du milieu dans lequel il vit, à savoir non pas le milieu naturel mais le milieu qu'il a lui-même créé, un milieu artificiel, le milieu culturel. C'est la complexification croissante de sa culture qui fait que le cerveau se complexifie afin de répondre aux exigences de plus en plus importantes de sa vie sociale. C'était ou bien faire usage de l'intelligence ou périr. D'emblée, c'est le pensée qui prime, le caractérise en propre. Reste, bien sûr, à ne pas en rester à une intelligence uniquement tournée vers le matériel mais l'a-t-elle jamais été ? Ne reconnaît-on pas l'humain à l'existence de conduites dépassant le simple cadre de la subsistance : il y de l'humain dès lors qu'on trouve des traces d'une activité spirituelle : l'ensevelissement des morts, la décoration des objets utilitaires, les dessins sur les parois des grottes.
« L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant »
La structure même de cet énoncé nous renvoie à notre point de départ et à ce qui a fait l'objet de notre première analyse (Pascal déroule sa pensée par la reprise en l'enrichissant à chaque moment) : la duplicité, la dualité humaine et la structure de retournement.
L'homme est faible, vulnérable. Physiquement d'abord, comme nous l'avons vu. De par son existence physique, corporelle, il est un être soumis à l'ordre naturel, à ce qui l'entoure, à la mécanique implacable, énorme qu'est l'univers. Il est un être fini, limité, l'être des limites. La limite temporelle : son existence a un commencement et une fin, comme tout être. Mais sa faiblesse ne s'arrête pas là. Il est sans cesse trompé par ses sens, son imagination, il est agité, mouvant, asservi à l'opinion, aux regards des autres. De l'imagination, Pascal nous dit : « C'est une partie décevante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours ; car elle serait règle infaillible de vérité, si elle était infaillible du mensonge. Mais étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux5 » où l'on retrouve la même structure de dualité et d'ambiguïté. L'imagination est l 'ennemie de la raison, elle persuade faussement les esprits, elle fait croire, douter, sème le trouble. « Qui dispense la réputation ? qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? »6 Les passions aussi nous emportent, les sentiments fluctuants, variables nous déstabilisent, nous emprisonnent ; nous agissons en fonction du paraître, des honneurs, de la reconnaissance. L'existence sociale, mondaine n'est faite que de bassesses, de dissimulations7. Dans son amour-propre, l'homme s'illusionne sur lui-même, n'entretient aucun rapport authentique à lui-même et se conduit immoralement vis-à-vis d'autrui, il est tiraillé entre lui et lui-même : « La nature de l'amour-propre et de ce moi humain est de n'aimer que soi et de ne considérer que soi. Mais que fera-t-il ? Il ne saurait empêcher que cet objet qu'il aime ne soit plein de défauts et de misères : il veut être grand, il se voit petit ; il veut être heureux, il se voit misérable ; il veut être parfait, et il se voit plein d'imperfections ; il veut être l'objet de l'amour et de l'estime des hommes, et il voit que ses défauts ne méritent que leur aversion et leur mépris. Cet embarras où il se trouve produit en lui la plus injuste et la plus criminelle passion qu'il soit possible de s'imaginer ; car il conçoit une haine mortelle contre cette vérité qui le reprend, et qui le convainc de ses défauts. Il désirerait de l'anéantir, et, ne pouvant la détruire en elle-même, il l'a détruit, autant qu'il peut, dans sa connaissance et dans celle des autres ; c'est-à-dire qu'il met tout son soin à couvrir ses défauts et aux autres et à soi-même, et qu'il ne peut souffrir qu'on les lui fasse voir ni qu'on les voie »8 .
Mais sa finitude, ses limites ne s'arrêtent pas là. C'est sa connaissance même qui est limitée. Ne nous représentons pas un Pascal soulignant uniquement la faiblesse humaine liée à sa sensibilité.
« Car enfin, qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d'où il est tiré, et l'infini où il est englouti.
Que fera-t-il, sinon d'apercevoir (quelque) apparence du milieu des choses, dans un désespoir éternel de connaître ni leur principe ni leur fin ? Toutes choses sont sorties du néant et portés jusqu'à l'infini. Qui suivra ces étonnantes démarches ? L'auteur de ces merveilles les comprend. Tout autre ne peut le faire.9 »
« Je ne sais qui m'a mis au monde, ni ce que c'est que le monde, ni que moi-même ; je suis dans une ignorance terrible de toutes choses ; je ne sais ce que c'est que mon corps, que mes sens, que mon âme et cette partie de moi-même qui pense ce que je dis, qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, et ne se connaît non plus que le reste10 » (on est loin de l'assurance d'un Descartes !!!)
Il reste que, en dépit de ces faiblesses, de son extrême vulnérabilité, l'homme a un avantage précieux : il est un être conscient. Il subit certes les lois de la nature, en tant qu'être fini, il est mortel mais son origine divine lui permet d'en être conscient. L'intellect et le cœur transcendent, dépassent le charnel, le sensible ; ils les dépassent par la saisie. Le fait d'être « écrasé », « tué » par un élément de la nature, par les forces implacables de la nature ne change rien à son statut d'être conscient. Sa grandeur, sa dignité ne sont en rien amoindries par la mort. Tout au contraire, il a cet avantage, que n'a pas la nature, de la lucidité et le devoir de manifester cette lucidité, cette dignité. Avoir conscience de mourir, d'être sensiblement fini et aussi d'être faillible, c'est accéder, pour peu que l'on fasse usage de sa pensée, à une forme de vie authentique visant à donner du sens à notre existence, lui donner une orientation et, dans la perspective de Pascal, se tourner vers le créateur, vers Dieu, en espérant recevoir de lui la grâce. Il ne s'agit pas de fuir la représentation de la mort mais de l'affronter. Sans cela aucune direction de la pensée n'est possible.

« Toute notre dignité consiste donc en la pensée » « Travaillons à bien penser : voilà le principe de la morale »
Notre faiblesse native, notre misère ne sont pas inéluctables. De par notre dimension spirituelle (qui s'origine en Dieu selon Pascal), nous pouvons, nous devons dépasser, échapper à notre condition physique, sensible pour accéder à une forme de sagesse. Mais cela exige des efforts, du labeur, de la méthode, d'affronter nos faiblesses et non pas de sombrer dans le divertissement qui revient à se détourner de la réalité. Il ne s'agit pas de se leurrer, d'errer : notre salut ne se trouve pas dans les possessions matérielles, dans les conquêtes de territoires, dans la maîtrise technique de la nature –ce qui serait d'ailleurs impossible, l'infinité de l'univers rendant cette tâche risible, ridicule- mais en nous-mêmes. C'est notre propre pensée que nous avons à conquérir.

Nous avons donc, c'est ce qui constitue notre devoir, à nous élever, en affrontant ce que nous sommes, soit adopter une attitude responsable. Certes, nous sommes dignes en tant qu'êtres pensants, mais encore faut-il réellement actualiser cette dignité. Notre grandeur sera donc relative aux efforts que nous ferons. C'est donc poser que nous ne sommes pas moraux mais que nous le devenons. Mais n'est-ce pas une position restrictive, dangereuse voire immorale ? N'est-ce pas se placer du côté de ceux qui ont les moyens de s'affirmer en tant qu'êtres responsables ? Ceux qui restent prisonniers de leurs sens, de leurs faiblesses ne doivent-ils pas être respectés ? Ne sont-ils pas des personnes à part entière ?
La tentation de distinguer les nobles de ceux qui ne le sont pas est une tentation que l'on rencontre dans tout groupe culturel et à pratiquement toutes les époques. Les Grecs se considéraient comme des hommes et les autres, ceux qui ne parlaient pas la langue grecque, n'avaient leurs coutumes et usages étaient considérés comme des barbares, donc relayés en-deçà de l'humanité. On conçoit le danger de ce type de conception, ce que cela engendre de rejet et de haine. Il reste que la pensée a évolué : chez les Grecs eux-mêmes, on en est venu à l'idée d'une unité de l'humanité, du genre humain. Les philosophes stoïciens posent que le monde est gouverné par une raison divine dont une parcelle se trouve en chaque homme. « Ma patrie, c'est le monde » dit Sénèque11. Toutefois, l'homme en question, c'est le sage, celui qui est parvenu à se libérer totalement de la force des passions. Il s'agit des êtres raisonnables. Nous retombons sur notre difficulté première : tous les hommes possèdent une forme de liberté mais tous ne font pas l'effort d'être raisonnables.
Une autre forme d'universalité, qui nous rapproche de celle de Pascal, se présenta à travers le christianisme : l'homme, ce n'est pas l'être raisonnable, mais le prochain, indépendamment de l'usage qu'il peut faire de sa raison. Tous les hommes sont égaux en tant que créatures de Dieu. La dignité humaine n'est pas relative au degré d'usage de la raison, de la pensée. C'est pourquoi Saint Paul dit : « Je me dois aux Grecs comme aux barbares, aux gens cultivés comme aux ignorants 12 »
Il reste que cette conception –comme celle des Stoïciens- présente des limites. L'idée même de « prochain » est ambiguë. C'est celui avec lequel on est en rapport : mais de quel rapport s'agit-il ? Le « frère » est tout homme rencontré mais ne subsiste-t-il pas dans cette notion l'idée d'une alliance qui fait que le prochain est celui avec lequel on partage la même foi ? On a donc affaire à une approche réductrice de la dignité et de l'humanité. Il faut donc concevoir plus radicalement ce qu'est la personne humaine.
Ce qu'il nous faut établir, c'est la conception dans laquelle la dignité est inconditionnelle et non pas relative à une culture, à une croyance. La dignité est alors absolue, de l'ordre de la valeur. La valeur dont il s'agit est celle de la personne. En tant qu'être humain tout individu est une personne laquelle doit être respectée quoiqu'elle ait fait, quel que soit son degré de responsabilité. Tout être humain a un devoir en tant que tel, celui de respecter absolument autrui et lui-même, considérer autrui comme une personne ayant ses propres désirs, ses propres fins. Autrui ne doit jamais être utilisé seulement comme un moyen, comme une chose. C'est le philosophe Kant qui a mis en avant cette dimension absolue de la personne, dimension qui relève du devoir moral lequel se présentifie à nous, êtres relevant à la fois de l'ordre sensible et de l'ordre intelligible, sous la forme d'un impératif catégorique par lequel nous sommes en mesure de résister à nos impulsions sensibles. Cet impératif a la formule suivante : « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen 13» Toute personne doit être défendue, doit être respectée parce qu'elle est une personne, parcequ'elle appartient au genre humain et non pas parce qu'elle agit de telle ou telle manière. Même un individu qui n'agit plus librement doit être respecté. Le corps aussi doit l'être. La personne, c'est le corps et l'esprit. En quoi le corps mort, le cadavre, lui aussi, doit être respecté, il présente encore la figure de la dignité absolue.

De Pascal à Kant donc, une idée : de par sa spécificité, l'homme est un être digne auquel on doit le respect. On comprend la difficulté d'une telle affirmation, si catégorique. Mais n'est-ce pas là notre devoir et notre grandeur : secourir autrui sans considération de son passé, de son acte présent, de sa nationalité... ?
Parce que nous sommes d'abord des êtres qui vivons ensemble, parce que l'être de l'homme est un « être avec les autres », nous nous devons tous, sans considérations autres, le respect, des obligations morales.

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